Fiscalité solaire : pourquoi la France taxe ses pionniers
- Le gouvernement prévoit de doubler l’IFER sur les centrales photovoltaïques mises en service avant 2021 (de 8,51 à 16,05 €/kW entre 2026 et 2028), dans le cadre du PLF 2026
- Cette mesure touche directement les “pionniers” du solaire, qui avaient investi à une époque où la rentabilité était plus incertaine, réduisant aujourd’hui leur marge et leur retour sur investissement
- Elle soulève un paradoxe fiscal et un risque de perte de confiance, en envoyant un signal d’instabilité réglementaire qui pourrait freiner les futurs investissements dans la transition énergétique
Avec la proposition d’Article 19 du PLF 2026 - le doublement prévu de la Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux (IFER) pour certaines centrales photovoltaïques - , la confiance des acteurs historiques est mise à rude épreuve.
Dans cet article, on vous explique ce qu’est l’IFER, pourquoi le gouvernement s’apprête à la majorer, et surtout pourquoi ces « pionniers » de l’énergie solaire (ceux qui ont investi avant que la filière soit mature) se retrouvent dans la ligne de mire.
Qu’est-ce que l’IFER et comment fonctionne-t-il aujourd’hui ?
Définition, historique et finalité de l’IFER dans le secteur de l’énergie
L’IFER est une taxe annuelle due par les entreprises exploitant des réseaux ou des installations de production d’électricité : elle vise à compenser les impacts de ces installations sur les territoires (infrastructures, maintenance). Elle a été introduite en 2010 pour formaliser les contributions des acteurs énergétiques aux collectivités et aux réseaux. Dans le domaine des centrales photovoltaïques, elle s’inscrit dans le cadre de la fiscalité des installations de production d’électricité (article 1519 F du Code général des impôts).
Conditions d’application & montants
L’IFER s’applique aux installations PV avec une puissance installée supérieure ou égale à 100kWc.
Le tarif standard pour une centrale photovoltaïque antérieure à 2021 était de 8,51 €/kW installé.
Ce tarif est revalorisé chaque année pour suivre l’inflation ou un coefficient spécifique.
Le projet de majoration de l’IFER pour les centrales photovoltaïques anciennes
Ce que propose l’article 19 du PLF 2026
L’article 19 prévoit une majoration du tarif de l’IFER pour les centrales photovoltaïques mises en service au plus tard le 1ᵉʳ janvier 2021. Le tarif passe de 8,51 €/kW à 16,05 €/kW entre le 1ᵉʳ janvier 2026 et le 31 décembre 2028 (soit +7,54 €/kW). Le produit de cette majoration est affecté au budget général de l’État et non aux collectivités.
Les installations mises en service après le 01/01/2021 bénéficient d’un tarif réduit aligné sur celui des centrales hydrauliques, soit 3,542 €/kW
Justifications du gouvernement
Le motif avancé est la baisse des revenus des producteurs PV (taux d’achat en décroissance, concurrence accrue) et l’augmentation du coût de soutien public. Le gouvernement évoque un besoin de redresser les recettes face à des subventions soutien jugées trop coûteuses.
Impacts économiques et stratégiques pour les “pionniers” du solaire
Calcul d’exemple : surcoût pour différentes puissances
Prenons une centrale de 100 kW : la hausse de tarif IFER (passage de 8,51 à 16,05 €/kW) représente un surcoût de (16,05-8,51) × 100 = 754 €/an. Pour 1 MW (1000 kW) cela équivaut à 7 540 €/an.
Effet sur la rentabilité nette et le retour sur investissement
Ce surcoût pèse directement sur les flux de trésorerie des exploitations. Pour des projets amortis sur 15-20 ans, une augmentation fiscale de cette ampleur peut impacter sensiblement la marge nette selon l’ancienneté et la performance de l’installation. Le retour sur investissement (ROI) se rallonge et la couverture de la dette peut devenir fragile.
Risque de découragement des investisseurs et signal vers le marché
En appliquant une mesure rétroactive aux installations existantes, le cadre réglementaire devient moins stable. Les investisseurs peuvent percevoir un risque accru de changement de règles après coup — avec effet dissuasif sur les projets futurs et l’attractivité de la France.
Paradoxes, enjeux de justice et distorsions dans le cadre fiscal
Le paradoxe de taxer ceux qui ont cru tôt à la transition
La logique de la mesure touche ceux qui se sont engagés tôt dans la transition solaire — souvent dans un contexte de soutien public et de moindre maturité technologique. Taxer ces pionniers revient à pénaliser l’anticipation et l’investissement responsable.
Distorsion entre anciens et nouveaux parcs (traitement différencié)
Le fait que seules les installations antérieures à 2021 soient visées crée un traitement différencié : les installations suivantes bénéficient d’un tarif réduit. Cela peut être perçu comme inéquitable, dans la mesure où les installations antérieures ont souvent des coûts plus élevés et un financement plus risqué.
Impact sur la crédibilité de l’État et sur l’attraction des financements
Le message envoyé est critique : “le cadre fiscal peut changer après coup”. Pour une filière qui dépend de capitaux, de montages financiers de long terme, cette incertitude est un frein. Cela touche aussi les collectivités territoriales, souvent partenaires ou co‐investisseurs de parcs solaires.
Conclusion
La majoration de l’IFER pour les centrales photovoltaïques âgées de plus de 5 ans constitue un tournant fiscal non négligeable. Au-delà d’un simple ajustement budgétaire, c’est un symbole fort : celui d’un cadre fiscal qui change, potentiellement après coup, pour des acteurs qui avaient anticipé.
Pour les « pionniers » du solaire, c’est un signal de vigilance : stabilité et prévisibilité sont tout aussi importantes que les taux d’achat. À l’heure où la transition énergétique attend confiance et investissements, ce type de mesure appelle à un équilibre entre recettes publiques et attractivité de la filière.
Foire aux questions (FAQ)
Qu’est-ce que l’IFER et comment s’applique-t-il au solaire ?
L’IFER est une taxe forfaitaire due par les entreprises exploitant des installations de production ou des réseaux. Dans la catégorie photovoltaïque, elle s’applique généralement aux centrales de taille significative (ex : >100 kW) et est calculée en euros par kW installé.
Pourquoi seules les centrales PV antérieures à 2021 sont concernées par la majoration IFER ?
Parce que le texte de l’article 19 fixe comme condition “mise en service au plus tard au 1ᵉʳ janvier 2021”. Les installations postérieures bénéficient d’un tarif plus favorable, ce qui crée une différenciation entre anciens et nouveaux parcs.
Quelle est la durée prévue de cette majoration ?
La majoration s’applique pour trois ans, du 1ᵉʳ janvier 2026 au 31 décembre 2028.
Comment calculer l’impact pour mon installation ?
Multipliez la puissance installée (en kW) par la différence de tarif (16,05 €-8,51 €=7,54 €) pour obtenir le surcoût annuel. Ex : 500 kW → 500 × 7,54€ = 3 770 €/an. Ensuite, comparez ce montant au flux de trésorerie, au service de la dette ou au ROI pour évaluer l’impact.